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CHRONIQUE LITTÉRAIRE  
"Dans l'ombre du vieux phare"

Émission radio " Indianocéaliv' " 
diffusée le 06 mars 2023 
sur Radio Arc-en-Ciel

Podcast

Chroniqueuse : Expédite Laope-Cerneaux

 

 

          La première fois que Kévine Baraka est apparue dans une de mes chroniques, elle venait de publier un recueil de poésie intitulé « Les mélodies de ma plume ». C’était à l’occasion d’une séance de dédicace où je n’étais pas venue pour elle – je ne la connaissais pas et j’ignorais sa présence dans la librairie –. Elle n’avait alors que 17 ans. A la voir on lui en aurait donné encore moins, tellement elle était menue et juvénile.
Si je peux me permettre un parallèle osé, je rappelle que 17 ans, c’était l’âge de Rimbaud quand il a écrit Le Bateau ivre. Une poétesse de cet âge-là n’a donc rien de surprenant. Toutefois la petite fille a grandi et maintenant, avec un égal talent, elle a opté pour le roman. Aujourd’hui, elle nous propose « Dans l’ombre du vieux phare », paru depuis peu aux éd. L’Harmattan. Le roman se passe à Sainte-Suzanne à La Réunion, région où l’auteure a grandi et à laquelle elle semble très attachée.
L’héroïne, Lynda, est l’épouse de Laurent le gardien du phare de Bel-Air, dernier de l’île encore debout. Elle a eu la malencontreuse idée d’avoir une liaison avec un collègue, un fieffé coureur de jupons, marié de surcroît. Heureusement pour elle, elle en est sortie lorsque le godelureau en question l’a laissée choir pour s’intéresser à une nouvelle victime. L’aventure lui a ouvert les yeux sur les qualités de son gardien de phare de mari et sur les sentiments encore profonds qu’ils partagent. Le roman raconte les péripéties de la reconstruction d’une union de laquelle tous deux s’étaient éloignés. Sans doute davantage la femme que l’homme.
Ce phare, construit en 1845, n’est plus aujourd’hui qu’une attraction touristique et pédagogique. Laurent aime particulièrement le faire visiter par les touristes et les enfants en sortie scolaire. Plus pour très longtemps, puisque la municipalité a décidé de mettre fin à ses fonctions et de confier la gestion du site à une association. On pourrait dire comme pour le gardien de phare de Nougaro, que son phare ne tourne plus rond. Cependant, ce qui pourrait empêcher sa vie de tourner rond et gâcher la réconciliation avec son épouse, c’est moins la perspective de bientôt perdre son emploi, que la présence maléfique autour du phare d’une Jézabel qu’il a eu pour maîtresse peu de temps auparavant.
J’ai dit Jézabel, mais l’intéressée, elle, se voit comme une sirène. Elle finira par disparaître en mer, après avoir essayé d’ôter la vie tant à Lynda qu’à Laurent. Est-elle humaine ? Est-elle fantôme ? S’est-elle changée en paille-en-queue ? Elle se confond avec une autre sirène d’une légende du phare. L’histoire se termine sans qu’on ait pu tirer au clair la vraie nature de l’ex-maîtresse. 
Lynda et Laurent réussiront-ils à retrouver le bonheur ? Pour ne pas spoiler la fin, je vous laisse le découvrir dans le livre.

 

          Je retiens de ce roman au moins deux traits principaux. D’abord, il est très actuel. Le phare est historique, mais le contexte est bien celui de notre époque d’informatique, de Photoshop, de smartphone, de réseaux sociaux. Par la voix de son héroïne, Kévine Baraka nous livre une critique acerbe des effets pervers de Facebook et d’Instagram. Sera aussi évoquée la PMA, autre sujet sensible de notre temps.
L‘autre aspect, c’est que, bien que ce roman puisse être compris par n’importe quel lecteur francophone, il est ancré dans le contexte créole. Les personnages sont marqués du sceau de la créolité : qu’il s’agisse de la jeune femme qui arrête de se faire lisser les cheveux, ayant pris conscience que rien ne l’oblige à suivre les diktats des canons occidentaux ; ou encore des vieux raconteurs de contes et légendes ; et des collègues de bureau ! Des collègues comme ceux de Lynda, on en connaît tous. Celle qui chaque jour vous détaille des pieds à la tête en jugeant votre mise, celle qui n'en fiche pas une rame parce qu’elle se croit protégée, l’autre qui se pavane dans son accoutrement de vamp et sa french manucure… Quant à l’ex-amant, ce serait plutôt un type d’homme comme il en existe malheureusement sous tous les cieux. On peut en conclure que Kévine Baraka connaît bien le milieu qu’elle décrit. Quand elle mentionne les nuisances sonores du voisinage, je me croirais chez moi. 
P
ar ailleurs, j’apprécie beaucoup la traduction des apartés en créole. Rien ne m’agace autant que les passages non-traduits dans les textes locaux, comme si le créole ne mérite pas une traduction, comme s’il n’est pas une langue à part entière… 
Enfin, ce livre m’a fait découvrir le mot « mamange » : il s’agirait d’une femme qui a perdu un bébé intra-utero ou mort-né, donc « maman d’un ange ». On en apprend tous les jours.
Voilà un beau roman, construit autour d’un monument historique : Dans l’ombre du vieux phare, de Kévine Baraka, aux éd. L’Harmattan en 2021.

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Podcast : http://radioarcenciel.re/main/podcast/9252

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CRITIQUE LITTÉRAIRE  
"Les Mélodies de Ma Plume"

Émission radio " Farfarliv" *
diffusée le 31 mars 2008 à 17 heures
par le réseau FAR

Journaliste : Expédite Cerneaux

 

 

           Â« Il était une fois une petite fille qui n'aimait pas l'école, pourtant elle était loin d'être un cancre. Elle aimait lire, elle aimait surtout écrire mais elle était de ceux qui n'entraient pas dans le moule. Elle voulait bien étudier mais ne pouvait pas le faire dans les maisons de Jules Ferry. Alors ses parents lui ont fait prendre des cours à distance et la petite fille a grandi, pas beaucoup, car elle est restée un peu cette petite fille mais elle a continué à écrire et aujourd'hui elle nous offre son premier recueil de poésie qui s'appelle Les Mélodies de Ma Plume paru aux Éditions Solædit en 2006.
           Elle, c'est Kévine Frédérique Baraka, nouvelle venue dans la galaxie des poètes de l'île de La Réunion. C'est une personne qui étonne et intrigue, elle est si jeune et maîtrise déjà bien son expression poétique. Il est vrai que Rimbaud a écrit le meilleur de son Å“uvre à 17 ans, Kévine Baraka en a 22. On est toujours surpris de tomber sur quelqu'un qui, dès son plus jeune âge, a été capable de refuser les sentiers battus. Elle est, comme elle le dit elle-même, un peu misanthrope et pourtant en écrivant et en publiant aujourd'hui cette soixantaine de poèmes, c'est son âme qu'elle livre aux autres.
           En lisant ses textes, ma pensée vacille entre Peter Pan et Ally Mc Beal. Une personne qui voit bien tout ce qui est triste dans ce monde mais qui a un univers intérieur si intense qu'elle peut s'y réfugier pour ne pas être submergée par la noirceur environnante. En tout cas, un être à part, définitivement et résolument à part.
           C'est une poésie écrite en français, en beau français (n'ayons pas peur de le dire !), d'un genre plutôt inclassable mais c'est un choix d'auteur, avec d'étonnantes majuscules dans le texte (en veux-tu, en voilà !).
           Ne connaissant pas grand-chose de la technique poétique, je ne veux pas dire si c'est un genre généralisé ou si c'est la manière personnelle de l'auteur. Vous le verrez vous-même !
           Les thèmes abordés sont multiples. L'amour évidemment ! Rien d'étonnant puisque l'auteur est jeune. L'amour rencontré, vécu, perdu et la nostalgie qui reste quand l'amour est parti. Étrangement, bien que plusieurs poèmes évoquent la perte de l'amour, rien n'est vraiment triste, on dirait que l'auteur a su sublimer son chagrin pour en faire des poèmes.
           En bonne Réunionnaise, l'auteur nous parle aussi de son île, de son soleil, de ses paysages mais incontestablement, ce qui domine dans cette Å“uvre, ce sont les sentiments : l'amour, l'amitié, les souvenirs d'une mamie très aimée, la compassion pour un enfant qui souffre, l'émerveillement devant un bébé.
           Je remarque en passant que ce sont souvent les mots "Mon CÅ“ur " qui prennent des majuscules, comme si ce "CÅ“ur" était une personne à part entière. Est-ce que cela veut dire que chez Kévine Baraka c'est le cÅ“ur l'élément moteur ?
           Vous vous en ferez une idée en feuilletant les quatre-vingts pages de son recueil de poésie Les Mélodies de Ma Plume paru aux éditions Solædit en 2006. »

 

 

 

* "Farfarliv" est une chronique littéraire et culturelle qui fait découvrir "les ouvrages de l'univers india-océanique", diffusée tous les lundis à 17 heures via le réseau FAR.

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